Ambitions [PV Dorian]

Son père était le maître des lieux, pourtant elle ne mettait pas souvent les pieds dans la mairie de Chatam. Lorsqu’elle voulait voir Dorian, elle s’abstenait. Par principe, et parce que la sensibilité de ce dernier en ce qui concerne les relations familiales, était moins poussée que celle d’Anna. C’est pourquoi la jeune femme préférait voir son père en dehors de ce bâtiment. Parfois, il était accompagné du ‘petit acolyte’. Anna surnommait ainsi Adrian dans sa tête, lorsqu’elle les voyait ensemble. Ce n’était pas en rapport avec la taille, mais à la différence d’âge entre les deux hommes. Peut-être l’histoire de Chatam et de beaucoup de villes n’ont jamais connu un maire adjoint aussi jeune. Ce surnom n’avait rien de péjoratif d’ailleurs, c’était comme une simple remarque qui débarquait dans l’esprit de la jeune femme.

Bref, Anna sortit de ses rêveries pour pousser la porte de la mairie. Elle salua poliment la secrétaire qui lui rendit son sourire, puis essuya ses pieds sur le tapis. C’était un jour de pluie, au soir, et la psychologue venait de terminer sa journée de travail. Ses horaires de bureau étaient plutôt stables puisqu’ils étaient fixés en rapport avec les horaires scolaires. Lorsque 19 heures était passé, elle laissait son numéro de téléphone portable sur la porte de son bureau, à l’université de Stanford, afin que n’importe quel élève qui aurait besoin de ses services puisse la contacter. IL était 19h20, la jeune femme était habillée d’un gilet gris simplement posé sur ses épaules, et d’un petit décolleté blanc à manche longues, où des petits motifs argentés représentant deux roses, reposaient au niveau des épaules. Elle portait un short en jean bleu foncé, s’arrêtant au dessus de ses genoux, et des chaussures noires luisantes, aux courts talons. Une fois à l’intérieur, Anna enroula la petite tige autour de son parapluie fermé, et trempé. Elle garda la poignée sur le bras, puis finit de s’essuyer les pieds avant de se diriger vers des escaliers en marbre gris. Les montant une par une, la jeune femme espérait que son père soit dans les bureaux. Si elle avait pu dire ce qu’elle avait à dire à quelqu’un d’autre de l’administration, elle l’aurait fait, pour éviter que les gens croient à de la préférence. Cependant elle avait besoin de l’autorisation du maire, et cela il n’y en avait pas dix. Alors qu’elle se trouvait maintenant au bout du couloir, et en face du bureau de son père, elle essuya vaguement ses mains mouillés sur son short, et essora le mieux possible ses cheveux avant de les lisser et de les laisser tomber en arrière. Après s’être rendue présentable, la jeune femme fit une petite grimace en constatant qu’elle était trempée. Mais lorsqu’elle avait décidé de se rendre à la mairie à pied, sous ce grand soleil resplendissant, elle n’aurait pas imaginé une seule seconde que le climat changerait aussi subitement, et qu’une grosse averse lui tombait dessus. Elle réussit cependant à la moitié du chemin, à passer chez un ami à elle pour lui emprunter son parapluie. Mais de toute manière c’était trop tard, elle était totalement mouillée, avec des cheveux dégoulinants. Anna aimait se balader à pied. Et elle se faisait toujours avoir par la pluie, où qu’elle soit.

La jeune femme frappa à la porte. La voix grave et assurée de son père la rassura de sa présence, et elle abaissa la poignée avant de pousser la porte.

- « Bonjour papa. » Fit-elle en refermant derrière elle.

Anna s’avança vers son père debout. Elle fit le tour du bureau puis embrassa ce dernier sur la joue avant de faire demi-tour pour revenir face à lui, le bureau les séparant. Dorian était le seul être qui avait le droit au baiser, et non à une poignée de main habituelle. Elle se rendit compte qu’étant mouillée, elle lui avait laissé une petite trace, mais facilement effaçable d’un coup de main. Elle avait évitée de poser la main sur son épaule en l’embrassant, comme elle faisait toujours, histoire de ne pas mouiller son costume.

- « Tu vas bien ? » Demanda la demoiselle en posant son parapluie au sol, contre le bureau. Elle jeta un bref coup d’œil sur la fenêtre derrière son père, pour constater avec déception l’averse qui tombait encore. Elle allait devoir rentrer sous cette pluie, et faire la moitié du chemin sans parapluie étant donné qu’elle allait rendre le sien.

Anna préféra se focaliser sur la raison pour laquelle elle était venue, et elle plongea ses yeux dans le regard sombre de Dorian. Elle réfléchissait en même temps à la manière de formuler le caprice de ses ambitions, et fixait par la même occasion les iris de son père, comme à chaque fois qu’elle réfléchissait.

Date d'inscription : 20/06/2009

"Vous en êtes vraiment sur?"
Assis sur son fauteuil de cuir bordeaux, il contemplait Chatam de sa baie vitrée qui lui donnait une vue imprenable sur le quartier sud de la ville, si loin pouvait-il voir il ne pu s'empêcher de constater que la ville qui possédait désormais était merveilleuse, et même si il semblait en pleine conversation téléphonique il ne pu s'empêcher d'admirer son travail, car au fond c'était bien son travail.
Huit ans désormais qu'il oeuvrait pour le bien être de cette ville, huit ans durant laquelle elle s'est magistralement métamorphosé passant d'un simple havre de paix à un havre de paix paradisiaque et dynamique. Oui, il s'était battu pour obtenir le poste de maire et non sans coup de fatigue, mais sa détermination avait fini par payer, oui il était maire et oui c'était son second mandat, et les sondages le voyait déjà parti pour un troisième.
Là n'était pas le plus important, il était donc installé confortablement dans son fauteuil de bureau, le combiner de téléphone coller à l'oreille il semblait pensif, visiblement sa mine était divisée entre la satisfaction et la rancoeur, comme si ce qu'on lui annonçait était une chose qu'il avait prédit il y a bien longtemps, un mince sourire se dessinait sur ses lèvres, mais au fond, n'était-il pas un peu inquiet? Si naturellement, comme l'était chaque homme politique dans cette situation.
« Bien, merci Jensen, j'en informerai le maire adjoint également, en attendant, faite comme si de rien n'était, nous règlerons ça rapidement. »
Il pose le combiner. Mais quoi donc au juste? Un soucis financier à la mairie? Naturellement que non, même lui, grand inquiet qu'il fut jadis ne craignait plus rien pour les finances de la mairie, non, mais la personne qu'il avait au bout du fil signifiait que le problème avait bien attrait aux finances, mais pas les leur, celle de leur collaborateur, l'université Stanford.

Si il y avait bien une chose que le maire appréciait chez Jensen, c'était que ses pires défauts devenaient qualités une fois qu'il était dans son métier, aussi, son avarice était devenu sa meilleure arme, surtout lorsqu'il devait gérer les subsides offerts à l'université chaque année, et c'est avec une banalité déconcertante qu'il était venu voir le maire pour lui signaler que Stanford demandait chaque fois un peu plus. Si au départ le maire avait mis cela sur le dos du développement, Jensen était persuadé qu'il y avait anguille sous roche, et cette idée était sur le point de se confirmer. Bien sur, il ne pouvait pas aller voir la directrice de Stanford pour lui annoncer cela sans preuve, ni même couper les subsides aux risques de voir une partie, si pas l'entièreté à long terme, de son empire s'effondrer. Non, il devait réfléchir à un plan avec Adrian et rapidement, s'assurer que toutes cachotteries seraient rayer de la carte. Parti dans ses pensés il ne pu se rendre compte qu'une averse s'était désormais abattue sur la ville, une pluie d'été violente mais brève qui se déversait désormais sur le centre, provoquant la panique des gens à pied. Et alors qu'il pensait retourner à ses réflexions, quelqu'un vint frapper à sa porte, il fit volte face avec son siège pour être désormais face au bureau et ordonna à la personne d'entrer, se demandant qui pouvait bien venir désormais. Une jeune femme aux cheveux blond, trempée jusqu'au os tenait la poignée de la porte, ses grands yeux bleus lui rappelait les siens et plus elle grandissait plus elle ressemblait à sa mère. Cette jeune femme n'était autre que sa grande fille, Anna. Elle le salua puis vint lui faire la bise, ses cheveux et ses joues étaient encore trempés de l'averse qu'elle avait du rencontrer en route.

« Bonjour trésor. » fit-il doucement « Mais, tu es trempée, tu es encore venue sans parapluie je présume? Tu aurais pu demander à Helena un essuie c'est très mauvais de se promener dans cette état ». Il lui arrivait souvent d'oublier que la jeune femme avait désormais 25 ans. Il souris de sa bêtise. Il se leva alors et pris une de ses vestes sur le porte manteau à droite de son bureau pour la poser sur les épaules de sa fille. « Je n'ai rien de mieux à te proposer pour l'instant, souhaites-tu un café? »

Puis, finalement, après avoir attendu la réponse de la jeune femme, il était temps d'en venir au vif du sujet, après tout, Anna était l'une de seule qui avait le droit de lui rendre visite à tout moment, même hors de ses heures de travail. Elle avait quitté le domicile depuis qu'elle avait trouver un boulot mais ils se voyaient encore régulièrement ne serais-ce que pour partager un repas. Si la blonde était venue le voir ici, à la mairie, c'était que le sujet de sa visite n'était pas privé mais public ou professionnel.
« Bien, je suppose que tu n'es pas là uniquement pour prendre le café avec ton vieux père hein? » fit-il en souriant. « Qu'est-ce qui t'as fait braver la pluie pour venir jusqu'ici? »

- « Il ne pleuvait pas lorsque je suis partie. » Répondit la demoiselle tout aussi doucement. Lorsqu’elle était en compagnie de son père, elle avait toujours l’impression qu’une part d’elle-même redevenait une petite fille, et elle devait avouer que cela ne lui déplaisait pas.
- « Merci. » - Fit-elle lorsque Dorian posa sa veste chaleureuse sur ses épaules. Anna tint les deux extrémités avec une main pour la garder fermée autour d’elle sans pour autant l’enfiler - « Je lui demande tellement d’essuie à chaque fois que je viens, elle va finir par me jeter. » Ironisa-t-elle en esquissant un petit sourire.

Parce qu’il était vrai qu’Anna avait toujours le chic pour sortir lorsqu’une averse était prévue. Pas prudente pour deux sous en ce qui concernait la météo, elle ne la regardait jamais. Les averses tombaient toujours lorsqu’elle était dehors, et comme bien souvent elle préférait se rendre quelque part à pied, comme maintenant, il ne fallait pas se plaindre qu’elle soit mouillée.
- « Ah oui, je veux bien un café s’il te plaît. »

Café au lait, mais cela, son père le savait. Avec beaucoup beaucoup de lait, peu importe si l’on ne sent plus le café. C’est ce que la psychologue disait lorsqu’elle goûtait à la boisson caféine. Maintenant, elle est moins difficile et se contente de tout, tant qu’il y a un ‘nuage’ de lait. La demoiselle se retourna ensuite vers le maire. Bon, elle devait se lancer ! Son ambition l’a poussé jusqu’ici, elle était déterminée. Le problème, c’est qu’elle savait pertinemment que si son père n'était pas d’accord, il possédait beaucoup plus de volonté et de détermination qu’elle. Pourquoi ne serait-il pas d’accord après tout ? Et puis Anna avait 25 ans, elle était grande, et capable de savoir ce qu’elle voulait faire de sa vie. Seule.

Citation :: « Bien, je suppose que tu n'es pas là uniquement pour prendre le café avec ton vieux père hein? »

- « Je peux toujours me rattraper en t’invitant à manger chez moi, ce soir. » Répondit-elle en regardant son père.

Citation :: « Qu'est-ce qui t'as fait braver la pluie pour venir jusqu'ici? »

Voilà, c’était le moment. Il fallait se lancer. Maintenant elle ne pouvait plus faire marche arrière. De toute manière, la jeune femme était sûre de ce qu’elle voulait, et se sentait parfaitement capable d’assumer. Elle se lança donc d’une voix assurée, afin que Dorian comprenne qu’elle n’hésitait pas. (Elle devait tenir sa détermination de lui, d’ailleurs.)

- « C’est à propos du travail que tu m’as trouvé, à l’université de Stanford. Saches qu’il me plaît vraiment, et que je ne tiens à partir. » Ajouta aussitôt la demoiselle avant que son père ne se mette des hypothèses fausses dans la tête. Elle reprit ensuite, plus doucement, en réfléchissant soigneusement à ses mots. « Mais je voudrais ouvrir mon cabinet à coté. Être à mon compte, et rendre mon travail à l’université partiel. Avoir ma propre clientèle, fixer mon salaire… Je sais que je suis capable d’assumer les deux. »

C’était dit. Elle fixa son père, en même temps qu’elle réfléchissait, comme le voulait sa manie. À chaque fois que la jeune femme était pensive, elle regardait involontairement quelqu’un droit dans les yeux. Il savait tout aussi bien qu’elle que la raison principale pour laquelle elle était venue le voir, en plus de l’informer de sa décision, c’était surtout parce que pour ouvrir, construire un cabinet ou autre bâtiment dans la ville, il fallait toujours se procurer l’autorisation du maire. Soit il était d’accord avec ses idées, et elle l’aurait haut la main, soit il ne l’était pas et cela risquait de rendre les choses plus délicates. Mais la jeune femme ne voyait vraiment pas pourquoi son père ne voudrait pas. Le seul doute qui subsistait dans l’esprit d’Anna était à cause du fait que le maire avait beaucoup insisté lorsqu’il lui avait proposé le rôle de psychologue dans l’université de Stanford. Mais c’était probablement pour son bien, parce qu’une occasion pareille ne se représenterait pas deux fois. Et là-dessus, la jeune femme avait une confiance aveugle en son père.