Mon pire cauchemar [Adriel]

- Ah, ça, on l’aurait pas à New York, frérot !

Le rire de Roy accompagna ses paroles, sur sa gauche. Oui, New York n’aurait jamais un temps de canicule comme celui-ci, un soleil aussi lumineux et surtout, une plage de sable fin, de hauts palmiers, les vagues roulants continuellement dans un chuchotement délicieux. Sans ouvrir les paupières qui formaient une barrière naturelle devant ses grands yeux bleus, elle sourit doucement, créant de petites fossettes au coin de ses lèvres.
Le dimanche était le seul véritable jour de congés que pouvaient s’octroyer les employés de Hope. Les voir aller travailler à l’université alors que celle-ci était fermée aurait forcément attiré l’attention. Et dieu savaient qu’ils cherchaient à être les plus inconnus possible. Ainsi, en ce beau dimanche, Lilith et Roy avaient décidés de ne pas rester dans leur appartement, malgré les températures faisant exploser le thermomètre. Lilith aurait bien accepté d’aller à la patinoire, pour se rafraichir un peu. Mais son frère avait opté pour la plage, ce qui n’était pas plus mal. Peut être allait-elle enfin pouvoir faire brunir sa peau de porcelaine ?
Roy avait même réussi à la trainer jusque dans l’eau, où il avait tenté à nombreuses reprises de la noyer. Mais, plus agile et rapide, elle arrivait toujours à s’échapper de ses bras, riant aux éclats dès qu’il lui sautait dessus à nouveau. Elle l’arrosait gaiment, se frottant les yeux dès qu’elle recevait à son tour des gerbes d’eau salée. Ils avaient joué ainsi comme des enfants pendant plus d’une heure, jusqu’à en être épuisés. Ils avaient alors étalé leurs serviettes sur la plage, elle allongée sur le ventre, lui sur le dos, se laissant sécher par le soleil brulant.

Mais la sonnerie de portable de Roy avait tout gâché. Comme si Alexander avait décidé qu’il n’avait que trop profiter de son jour de congé. Il appelait son demi -frère, le sommant de le rejoindre pour quelque obscure raison aux yeux de Lilith. Bien sur, elle se doutait un peu de la raison de son appel. Les travaux, les recherches de Roy avançaient à vitesse grand V maintenant. Il était à deux doigts de trouver la formule tant cherchée depuis des années. L’ainé de la famille en trépignait d’excitation. Et sans doute voulait-il voir son cadet pour parler de son travail, encore et encore. Où en était-il ? Quand finirait-il ? Comment faire pour trouver des reborns ? Tant de question qu’elle rêvait également de poser à Roy mais qu’elle ne faisait pas. Ils parlaient déjà assez trop boulot quand ils étaient à l’université, elle évitait ce sujet pendant leur temps libre.
Avec un bisou sur la joue de sa sœur, il se leva et se rhabilla rapidement. Elle sourit en l’imaginant déambuler dans les rues de Chatam, simplement vêtu de son short de bain. Sans doute ferait-il tourner autant de têtes que sa sœur alors… Il rangea rapidement sa serviette dans leur sac de plage, toujours posé aux côtés de Lilith, avant de s’en aller à pas rapides, lançant un petit message à Lilith. A ce soir, sans doute.

Une fois son frère parti, elle roula sur le côté, afin de l’allonger sur le dos, complétant son bronzage inexistant. C’en était presque pathétique d’avoir une peau aussi blanche, alors que toutes les autres filles arboraient fièrement leur peau de caramel, preuve de longues heures de plage durant l’été. Mais Lilith n’y pouvait rien, si elle possédait la peau de la new-yorkaise type, qui ne met le nez dehors que pour filer dans la première bouche de métro venue.
Elle resta dans la même position pendant un long moment encore, jusqu’à sentir la température chuter contre sa peau, la lumière rougeoyante se faire moins forte derrière ses paupières. Elle ouvrit alors les yeux pour remarquer que, en effet, le soleil était bas dans le ciel, maintenant, à l’horizon, commençant à vouloir se cacher de l’autre côté de la terre. Comme le temps était passé si vite ! Dans un sourire, elle se releva en position assise, remarquant que la plage s’était vidée de ses nombreux clients. Seuls restaient un groupe de surfeurs, qui troquaient leurs planches contre des guitares, joyeusement assis en cercle. Cette scène tellement cliché fit sourire Lilith. Ne manquait plus que le feu de camp. Elle étouffa un gloussement en voyant l’un des garçons sortir un peu de bois de son sac, ainsi qu’un briquet. Ok, elle n’avait rien dit. Le feu était là.
Elle tourna la tête, curieuse de voir les autres occupants de la lande de sable. Son sourire fana d’un coup, ainsi que le peu de couleurs de son visage disparut brutalement. Son regard s’était posé sur lui. Son cœur manqua un battement alors qu’elle aurait voulu se précipiter dans ses bras. Non, non, arrête, ce n’est pas Hayden, lui hurlait sa conscience. C’est son sosie, rien de plus. Oui, rien de plus. Un sosie, un fantôme. Un cauchemar.