Comme j'aimerais être pire. [Grace]

Je détestais cette sensation horrible d’être sciée en deux par deux émotions bien distinctes qui me rongeaient l’esprit et les sens. Ce matin devant mon miroir, je savais que c’était pas les nausées matinales qui me mettait dans un état pareil, Nigel avait quitté la maison plus rapidement que d’habitude. En me disant qu’il y avait un sujet assez houleux dans les locaux. C’était toujours comme ça de toute façon. « Six, ma chérie, désolé on m’attend ce matin/Je dois/ J’ai intérêt/ Il faut… » dois-je m’inscrire sur les listes électorales pour voir mon mari plus souvent? J’y pense très sincèrement. Mais il est parti, me laissant seul avec ce sentiment de culpabilité d’être enceinte de son enfant, effaçant presque toute joie de ce bel évènement dont on avait souvent discuté quand nous nous sommes mariés. Petit à petit, on en parlait moins, mais l’envie pour moi était toujours là. Je sais, j’aurais dû lui en parler avant de prendre moi-même la décision d’arrêter les pilules contraceptives histoire de « lui faire une surprise » . J’aurais pas non plus dû lui en parler le soir de la mort de son père, j’étais égoïste j’en conviens, je voulais garder mon mari pour moi, et plus le voir partir en croisade désespérée sans que je sois capable de le retenir, je suis juste parfois capable de lui calmer ses ardeurs, et encore. Et encore ce silence horrible, je hais le silence, il me donne cette angoisse impalpable et tellement sournoise. Je quitte en trombe la salle de bain pour allumer le post de radio le plus proche, il se mit à diffuser des vieux titres des années 70, ça ferra l’affaire avant que de parte. Habillée et déjà prête depuis quelques minutes, je serais déjà partie si j’avais pas eu ces vertiges. Mon regard se pose sur mon ventre, je pense au fait que hier soir j’ai surprit Nigel en train de le toucher, peut être se demandait-il encore si dans cet estomac au léger relief, grandit réellement son enfant. Desirae lui a tout confirmé, mais je le comprend: c’est trop soudain et trop d’émotion à la fois, j’aurais du être plus prudente, mais le mal était fait, et bientôt il sera père, même si il veut accomplir son devoir de fils devant la mémoire de Dallian McAdams.

Dans la voiture, j’écoutais l’opéra « Aïda » de Verdi, avant d’arriver au salon, accueillit par mes serveurs et mon pianiste, qui eux préfèrent me féliciter pour le futur bébé que bavarder sur la mort de mon beau père. J’essayais de me persuader que c’était une journée comme une autre, et c’était sûrement le cas. Mais le fait de ne pas avoir eu un seul entretien après cette nuit maudite avec l’homme de ma vie, me rendait malade. Mon superbe Iphone posé sur la table, je résistait à l’envie de lui téléphoner pour lui proposer de me retrouver à la plage ce soir. À la place, je m’activais à remplir des papiers, et des quantités de trucs qui servent à rien mais qu’on doit faire de temps en temps, vérification des stocks, remplissage des contrats, vérification de la location… ça me permet juste un instant de me vider la tête. Mais au bout d’une heure, ou peut être deux je l’ignore, la migraine revient et je dois sortir de là. Je passe dans l’arrière salle, j’apprend qu’il n’y a pas grand monde en ce moment, on est qu’au début de la journée de toute façon, vers 11h les gens commenceraient à arriver en masse, histoire de prendre une collation avant d’aller manger, tout était une affaire de logique de toute façon, un peu comme dans l’informatique.

Laissant mes serveuses discuter entre elles de leurs nouveaux rideaux, moi je les quitte en catimini, pourtant pas discrète avec mes talons bruyants et odieusement chers. Dire que plus jeune jamais je n’aurais imaginer porter des vêtements pareils, maintenant ils ont une partie presque importante dans la vie de toute les jours, allant jusqu’à cacher mes origines modestes, et mon absence de parents, ma pauvre grand-mère étant décédée il y a quelques années, mais ayant vécu suffisamment longtemps pour me voir en robe de mariée. Je m’avance dans la salle principale, je ne met pas longtemps à compter les clients: cinq. Deux couples, et une jeune fille. Je l’avais déjà remarqué, venant toujours toute seule, avec une carte de crédit au nom de son père. Sûrement une fille riche, mais toujours toute seule. Elle me rappelle un peu celle que j’étais avant. Je me souviens à quel point les enfants étaient cruels avec moi, durant leur période soit disant d’innocence. Au début ils ne faisaient que me demandait pourquoi je n’avais pas de parents, ensuite c’était « Sixtine est tellement moche que sa maman l’a abandonné » et puis j’ai terminé par « la binoclarde tout le temps dans les ordinateurs qui sort avec le gosse de riche. » superbe façon de décrire ma relation avec Nigel au début de l’université. Quoiqu’il en soit, j’ignore pourquoi je me suis rapprocher de la table, cette petite cherchait peut être juste à passer un moment en paix, mais dans un élan de professionnalisme, je lui demandais l’air de rien:

« Vous désirez autre chose? »

À défaut d’être une maîtresse de maison irréprochable, j’ose encore espérer d’être une bonne gérante.