« Ahhh mais lâchez moi, je peux marcher toute seule ! »
Le lieu : Le couloir principal du bâtiment administratif. Les personnages : Un surveillant et une élève. La scène : Une bêtise prise en flagrant délit. L’action : Une élève contre un pion. L’étudiante n’avait (presque) rien fait. Mais dans sa bonne humeur générale, son envie de rire et sa joie si explicite, elle avait décidé de profiter des quelques instants qu’elle passait seule, pour faire un petit tour dans ce bâtiment… une bombe à la main. Mais ravalez votre salive, il ne s’agit pas d’explosif ! Non, quand même pas. Toskiane n’était pas folle au point de vouloir assassiner le directeur. Quelle idée ? Hem hem. L’objet dont je parle ici, c’est bien sûr ce petit ustensile très utile qui permet d’exposer le magnifique art de la demoiselle. Et elle était en train de faire une superbe fleur jaune sur la porte du directeur. (Tant qu’à faire, autant que ce soit la sienne.) En plus d’être tarée, eh bien il se trouve que la rouquine était totalement suicidaire. Soi disant parce qu’elle voulait changer un peu des petits post-It ou autres bêtises de ce genre. Mais là, espérait-elle vraiment rester discrète ? Déjà ce petit bruit fluide du gaz qui s’échappait en même temps que la peinture claire ultra lavable. (Elle n’avait pas trouvé de l’indélébile.) Elle avait fait les quelques pétales, et s’attaquait maintenant à la tige. Une œuvre d’art digne d’un enfant de huit ans ! Et puis là… C’est le drame ! Des bruits de pas. Elle se retourne, planque l’objet illicite dans sa veste orange pale, ouvre le placard à balai et se jette littéralement dedans. (Je vous rappelle, pour certains, qu’il y a toujours un placard à balai dans le coin.) Ayant voulu jouer son héroïne ratée, son petit plongeon improvisé atterrit dans une pile de balai (logique), qui s’écroulèrent les uns sur les autres à la manière d’un domino. En plus il faisait noir, donc elle se mit à quatre patte et posa sans le vouloir sa main dans un seau qui contenait de l’eau. Pour le ménage, surement. Comme si l’arrivant n’avait rien entendu ! La porte s’ouvrit à la volée, l’air mal luné d’un surveillant aux cheveux très courts apparaissant dans sous la lumière du couloir. Un petit sourire innocent, et la petite bombe qui choisit ce moment pour tomber de sa veste pour rouler jusqu’aux pieds de l’homme. Oups, ça sent les ennuis. Toskiane se releva, le seau en main. Elle bredouilla quelques vagues paroles comme le fait qu’elle était une nouvelle femme de ménage, ce qui ne risquait pas de marcher puisqu’ils se connaissaient, puis elle esquissa un sourire timide au coin des lèvres. Et… Hop ! Toute l’eau envoyée en pleine face du pion ! Elle profita de son moment d’inattention pour passer à coté de lui et se mettre à courir.
Elle allait bientôt sortir du bâtiment, magnifique ! L’homme derrière elle criait son nom, la poursuivant partout. (Niveau discrétion, c’était réussi.) Mais elle allait gagner, ouiiiiii…. Eh non. Il l’attrapa brusquement au bras et la força à se retourner. Toskiane posa son regard sur lui, et ne put s’empêcher de rire parce qu’il était trempé. Elle rigola moins lorsqu’il énonça le nom du directeur, dont la porte joliment décorée était tout près. (C’est d’ailleurs très impressionnant qu’il ne soit pas sorti pour voir ce qu’il se passait, comme certaines têtes qui apparaissaient.)
« Non ! Non pas l’alien ! J’aime pas les aliens ! » Avait-elle crié en guise de réponse.
Le pion lui attrapa l’autre poignet pour l’empêcher de gigoter, et la jeune femme avait alors subitement baissé la tête… pour le mordre ! Il lui lâcha une main, mais elle put lire une sacré fureur dans ses yeux, lorsqu’il pressa sa morsure contre son torse. Quoi, il avait mal ? Quelle chochotte alors ! Le surveillant commença à lui passer un savon, se retenant de la frapper pour ne pas avoir d’ennuis. Elle, en revanche, grimaçait parce qu’il lui criait dans les oreilles. Elle poussa un long soupir en détournant les yeux, comme s’il l’embêtait. Le membre du personnel devint rouge pivoine sous la colère. Il fit demi-tour, tenant toujours Toskiane, puis la tira de force vers le bureau du directeur. Un instant, elle se demanda si elle pourrait lui faire une prise de judo pour s’échapper. Mais non. Déjà que le mordre était assez osé, peut-être valait-il mieux ne pas s’enfoncer davantage. Mais alors qu’il ne lève pas la main sur elle, car sinon elle se défendrait !
« Je veux pas voir sa tête j’vous dis ! Il va me bouffer ce martien ! »
« LA FERME ! »
Elle se tut, grommelant quelque chose dans ses dents. Son poignet tiré lui faisait mal, et cet homme n’était vraiment pas tendre. Il s’arrêta devant le placard à balais, ramassa la bombe jaune et se retourna vivement vers la porte taguée, sans omettre bien sûr de lancer un regard haineux à la jeune femme. Apparemment, et vu comment il pressait sa main sur son ventre, il avait encore mal. En vérité, vous ne le savez pas, mais la rouquine est un loup garou ! La cinglée le regarda faire, soupirant une nouvelle fois pour montrer à quel point il ne lui faisait pas peur. (Ou en tout cas qu’elle ne le laissait pas paraître.) La vie, c’est un conte de fée. Si ça va mal, il se passe toujours quelque chose qui fais que ça s’arrange. Et elle, c’est une princesse. Donc tout vas bien ! Franchement, comment avait-elle fait pour tenir quatre années dans cette université ? En bonne santé, bon état, et surtout vivante ! Le surveillant frappa à la porte d’Abel Mael, la bombe toujours en main. Après en avoir eu l’autorisation, il abaissa la poignée, lâcha un juron en voyant de la peinture encore fraiche se coller à ses doigts, puis ouvrit en grand la porte pour laisser exposer ce magnifique art aux yeux du directeur. Il poussa ensuite l’étudiante en avant. Contrairement à elle, qui affichait une mine innocente et pure, il était trempé jusqu’à l’os, l’air vraiment furieux.
« Soyez pas si désagréable, vous êtes propre maintenant ! » Plaisanta la tarée avant de poser son petit regard, mais alors vraiment tout petit, sur Abel Mael. Bon, elle avait beau baver dans son dos, faire sa grande et frimer auprès des copains copines, il est vrai qu’une fois qu’il était en face, elle le trouvait drôlement intimidant… Et il faisait presque peur !
Elle grimaça, continuant de le regarder mais s’efforçant de lâcher tout de même une politesse. Non par hypocrisie, mais parce qu’elle était bien élevée, non mais.
« Bonjouuur. »
De toute manière, il tombera un jour. Ouais, la rébellion vaincra ! Et Rufus sera hissé au sommet. La jeune femme en était persuadée, puisqu'elle était une des plus fidèles alliées. Sa couverture, c'était sa folie. Qui croirait qu'elle sache autant de choses, alors qu'elle s'expose si stupidement au danger lorsqu'elle en a l'occasion ?
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