Poisson frais ! [PV Thomas]

Le touriste.
Étrange bipède à l'épiderme couramment blanc et au pelage plus ou moins long suivant leur race. Le touriste est mondialement connu pour la richesse qu'il apporte avec lui dans un territoire qui lui est inconnu, et c'est pourquoi il n'est jamais repoussé. Le touriste est naïf, il ne connaît pas la culture de la région qu'il envahit d'une machine avec laquelle il pixelise un paysage pour le dénigrer dans un ordinateur. Le touriste aime raconter, mais il aime aussi entendre ! Le touriste peut-être féroce, agressif, mais il peut aussi être doux comme un agneau, et c'est bien souvent le cas pour les petits des touristes, que l'on appelle des touristons. Le touriste pense que l'endroit dans lequel il débarque est un lieu de divertissement, de joie et de calme. Il ne lui vient pas une seule fois l'idée que des personnes y travaillent. C'est pourquoi il pousse un cri de guerre très spécial pour repousser tout envahisseur "Eh, oh ! Ch'uis en vacance, merde !". Car le touriste est très délicat avec la langue locale. Parfois, le touriste vient en compagnie de son mâle, ou de sa femelle. Ils sont là pour se reproduire, ou du moins pour agir de la sorte. Nous appelons ces créatures de touristaux.
Mais la partie la plus préférable chez un touriste, c’est son inculture. Sa capacité à croire que toutes ces personnes autour de lui SAVENT qu’il est un touriste, et qu’ils sont tous prêts à l’aider s’il se perd. Nous les appelons, des touristes naïfs. Et leur existence est fondamentale pour les petits voleurs débutants, ou les petits voleurs sans gêne. Il s’agit là de proies fraîchement débarquées, dont certaines ne comprennent pas un mot de ce qu’on leur dit. Deux touristaux suisses étudiaient une carte de cette petite île, avec un sac sur le dos. Ils se trouvaient actuellement devant un stand de pommes bien rouges ou bien vertes suivant le cageot dans lesquelles elles étaient.

Adam convoitait ces pommes avec avidité. Il ne cessait de se remémorer le passage du disney Aladdin, om ce dernier se servait de son singe pour voler une pastèque. Les marchands autour hurlaient si fort à certains coins, que les visiteurs les évitaient presque pour ne pas se sentir agressés. L’enfant s’était faufilé derrière ce petit couple de touristes. Il entendit son ventre grogner. Oui, il était 15h30 et il n’avait rien mangé depuis 6h… Pourquoi si tôt ? Mais c’est l’heure à laquelle se réveille notre petit. Comment pouvait-il dormir si l’été le soleil se levait beaucoup plus tôt que l’hiver ? Oh, ne le plaignez pas trop, il s’est parfaitement habitué à ce train de vie. Et la seule saison où il peut se plaindre, c’est l’hiver. Chaque hiver l’enfant manque de laisser sa vie dans les périodes vraiment froides. Bref, revenons en été, à 15h30 d’une journée bien ensoleillée. Le gamin prit soudainement la main de l’homme, qui sursauta de surprise. Levant sa petite mine innocente vers lui, il montra la pomme et s’exclama bien fort. Que disait-il ? N’importe quoi. Des sons sortaient de sa bouche sans qu’ils ne veuillent dire quoique ce soit. Tout en montrant les pommes évidemment. Et tandis que l’homme retirait sa main, le gamin prit une pomme et le remercia par un mot dénué de sens. Puis il s’échappa en sautillant gaiement, laissant le couple suisse tenter de comprendre ce qu’il se passait, s’exclamant dans leur langue, et le marchand leur crier dessus à propos de la pomme qu’ils devaient payer à leur enfant. Eh oui petits touristes, si vous ne voulez pas vous faire piéger, vous devez impérativement maîtriser la langue locale ! Ou bien il en sera fini de vous.

Le petit s’était faufilé assez loin dans la foule pour ne pas être repéré. Chouette, il avait réussi à prendre une pomme. Mais est-ce que cela allait satisfaire sa faim ? Non. L’enfant était en pleine croissance, et il avait besoin de plus, de beaucoup plus ! Il y avait tellement de monde sur le marché que voler était chose extrêmement simple pour le vaurien. Ce dernier repéra un vendeur de fraises, dans des boîtes en plastiques avec des trous à l’intérieur pour laisser respirer les fruits. Chose stupide aux yeux du garçon, puisqu’un fruit n’était pas vivant. Ah, ces adultes ! Adam se demandait comment il allait voler une boîte. Culot comme il venait de le faire ? Discrétion comme la prudence l’exigeait ? Ou bien à la barbare, comme il adorait le faire. Il opta pour la troisième méthode et se dirigea vers le stand. Beaucoup de personnes étaient amassées devant. Certaines hésitaient à en prendre, d’autres en achetaient déjà. Le garçon quant à lui n’allait certainement pas hésiter.

- « Pardoooon » Fit-il au jeune homme brun devant le stand. Il ne le bouscula pas, mais profita du fait qu’il se soit écartée pour s’avancer.

Il regarda derrière lui pour jeter un coup d’œil à cet homme. Tiens, il l’avait déjà vu lorsqu’il traînait près de la mairie, Travaillait-il là bas ? Quoique l'enfant l'avait déjà vu dans d'autres endroits aussi, et ce à n'importe quel moment de la journée. Adam avait assez bonne mémoire sur les visages, bien qu’il était incapable d’y placer un nom. Bref, il se retourna à nouveau et se dressa devant les boîtes transparentes contenant les fraises.

- « J’vous en prend deux ! » Lâcha l’enfant au vendeur, avant de mettre la pomme dans la poche de sa petite veste grise qui provenait d’un stand de vêtement au coin.

Il s’empara ensuite de deux boîtes de fraise et s’empressa de remercier le marchand avant de se retourner tranquillement. Évidemment, l’homme l’interpella, et le jeune qui l’aidait sortit du stand pour tenter de rattraper le petit. Manque de chance pour eux, Adam avait commencé à courir en riant, et se faufilait aisément dans la foule en ignorant parfaitement les ‘Reviens sale voleur !’ des vendeurs de fraise. Il les sema rapidement dans le monde, et arrêta sa course près du port. L’enfant posa ses fesses sur un morceau de bois où étaient attachés des cordes et des filets, puis il reprit son souffle. Il aimait bien voler ainsi, c’était si facile. Le seul hic est qu’après les vendeurs connaissaient son visage et ils se méfiaient de lui. Mais peu importe, l’enfant s’était bien amusé, et c’était ce qui importait. Alors qu’il se relevait, il aperçut l'homme à qui il avait demandé de se décaler. Il devait avoir tout vu, comme beaucoup d’autres. L'enfant pensait qu'il ne devait pas travailler, ou bien qu'il travaillait dans plusieurs endroits à la fois, puisqu'il l'avait déjà croisé dans des rues différentes. Après, tout dépendait du travail en question, il ne devait certainement pas bosser derrière un bureau ! Il posa ses deux boîtes sur le morceau de bois, sortit la pomme de sa poche et enleva sa petite veste. Elle était pratique, mais qu’est-ce qu’il avait chaud avec ! Il s’ébouriffa inconsciemment les cheveux, et s’accroupit pour refaire un lacet qui s’était défait. En se relevant, il s’aperçut que l’assistant du marchand était parmi la foule, à sa recherche. Si l’enfant restait planté là, il allait être repéré !

Adam se releva puis courut vers cet homme brun à l'allure plutôt droite. Il semblait longer le port. Le gamin se plaça à coté de lui, du coté de l’eau afin que l'adulte cache sa présence aux yeux du marchand. Puis il leva ses petits yeux vers le jeune homme en espérant réussir à l’apitoyer.

- « Ch’uis désolé de t’embêter m'sieur, mais je peux me cacher derrière toi ? Il y a un monsieur qui me cherche, et il est vilain… » Murmura l’enfant en jetant un coup d’œil vers le deuxième marchand de fraise. Il gardait toujours ses deux boîtes de fraises, sa veste et sa pomme dans les mains. Ah, s'il savait que celui à qui il demandait de l'aide était policier, il est clair que le petit l'aurait évité comme la peste. D'autant plus que ce policier en question était là lorsque l'enfant avait fait son numéro. Mais Adam, il avait faim, ce n'était pas de sa faute... Enfin presque. Ce n'était pas de sa faute s'il s'était enfui en riant stupidement, comme un sale gosse fier de sa bêtise, hem hem.

Tenace ce marchand. Est-ce que l’enfant l’avait déjà volé ? Il avait pourtant bonne mémoire, et ne souvenait pas d’avoir pris de fraises à ce petit jeune… Mais à bien y réfléchir, l’autre plus vieux qui était resté au stand, ils s’étaient déjà croisés. Enfin bref, si cela continuait ainsi, Adam allait encore devoir courir ! Tout ça pour semer un pot de colle endurci qui ne voulait pas lâcher la grappe pour deux paquets de fraises. Ce ne sont que deux petites boîtes avec une dizaine de fraises dans chacune, il n’y avait aucun mal à cela ! Quoiqu’il en soit, le petit espérait quand même que sa petite mine attendrissant suffirait à ce que cet homme prenne sa défense. Il avait intérêt, ou bien le gamin se vengerait comme il se doit ! Malheureusement pour le garçon, ce ne fut pas le cas. Pire encore, il était tombé sur un policier ! Adam leva une mine effarée vers l’agent Höderlin. Mais quelle poisse ! Il était persuadé que cet homme devait bien être le seul agent de la foule, et il était tombé dessus !

L’enfant ne put s’éloigner d’un pas, des fois que en plus de ne pas le soutenir, ce policier veuille l’attraper. En tout cas le garçon se sentait vif pour qu’au moindre geste brusque, il réussisse à réagir à temps pour prendre la fuite. Après tout, c’était cela qui lui avait permis de s’en sortir jusque là. Le policier proposa le plus naturellement du monde au jeune marchand de porter plainte, chose que ce dernier accepta avec plaisir, semblait-il. Porter plainte… Et alors ? Ca ne faisait ni chaud ni froid à l’enfant, pour le nombre de fois que l’on avait déjà porté plainte contre lui… Déjà, connaître son nom, c’étai déjà difficile mais pas impossible puisque l’enfant le divulguait à qui le voulait. Ensuite, trouver ses parents, et là c’était impossible puisqu’il vivait à la rue. Avec toutes ces personnes qui avaient déjà porté plainte contre « le vagabond » ou « le petit voleur », le gamin n’avait pourtant jamais rien eu. Que de la parlotte ! Ces adultes savaient bien parler, oui, mais pour ce qui était d’agir… D’ailleurs l’enfant ne savait même pas ce que voulait dire exactement porter plainte. Est-ce que ce marchand allait se plaindre à ce policier pour qu’il l’attrape ? Ah ça non, Adam n’allait pas se laisser faire ! Et puis l’enfant avait tendrement envie de se venger, il détestait voir un adulte indifférent à ses mimiques pourtant si adorable.

- « Mais p’pa !! » S’écria le gosse en se retournant vers l’agent pour le regarder d’un air incrédule. Alors il était honnête, hein ? Un vrai policier ? Eh bien tant pis pour lui, on ne laisse pas un enfant dans les ennuis ! Toujours en criant presque et d’une voix complètement dégoûtée, il continua. « Tu…Tu m’avais promis ! Tu m’avais dit que si j’te rapportais ces fraises… Et cette pomme ! » - Il montra la pomme en question – « Tu arrêterais de m’donner des coups !! » S’exclama-t-il en écartant les bras avec indignation.

Et pour couronner le tout, l’enfant poussa un gros reniflement, et ses yeux se mirent à briller. Et quoiqu’en dise le policier, ce n’était pas indifférent aux yeux du marchand. Ce dernier se tourna vers l’agent Höderlin, puis se ravisa. Si cet homme frappait réellement son fils, c’était grave. Mais s’il était policier en plus, il ne valait mieux pas lui chercher des ennuis ! C’est donc pris par la peur qu’il déclara sur un ton plus craintif.

- « Écoutez… Ce n’est pas si grave finalement… Euh.. Aurevoir. »

Adam regarda le jeune homme faire demi tour pour retourner aider son patron au stand. Et voilà, débarrassé ! Avec un grand sourire victorieux, il effaça aussitôt ce sourire en reposant son regard sur le policier. Ah oui, il était toujours là… Cependant, le voleur était déjà prêt à prendre la fuite, au cas où l’agent Höderlin aurait de mauvaises intentions à son égard... L’enfant hésitait d’ailleurs entre trois solutions. Soit il se mettait à courir et tentait de semer l’homme dans la foule, si cet homme le poursuivait d’ailleurs. Soit avant de prendre ses jambes à son cou, il lui lançait une remarque comme quoi l’agent n’avait qu’à prendre sa défense et que l’enfant n’aurait pas dit ça sinon. Ou bien, la troisième solution, peut-être la plus suicidaire…

- « Euh… t’en veux ? » Fit le petit en ouvrant sa boîte de fraise devant l’agent. Évidemment, toute trace de larme avait disparue, preuve qu’il jouait bien la comédie quelques minutes auparavant. C’était si simple pour un enfant de pleurer ! Il n’allait certainement pas s’en priver. Ne disions nous pas que la vérité sortait de la bouche des enfants ?

Adam esquissa un petit sourire timide au policier, en espérant que peut-être, ce dernier allait tout lui pardonner, là comme ça d’un claquement de doigt. On ne sait jamais, hein, et l’on croit à tout lorsqu’on est un enfant.

La petite comédie de l’enfant avait mis monsieur l’agent mal à l’aise ? Bien fait ! Pensa le petit. Il ne savait pas bien pourquoi il avait voulu se venger du policier. En fait il ne savait pas de quoi il avait voulu se venger. D’une frustration qui a duré quelques secondes, et qui l’a fait réagir de manière instinctive. Dans le mensonge, évidemment. Enfin le marchand était parti, c’était une bonne chose. Et puis quoiqu’il arrive, l’enfant ne regrettait en rien son attitude. C’était de la légitime défense contre les deux hommes à la fois. Il aurait pu tout aussi bien se mettre à courir comme un fou, comme il le faisait souvent, mais non. Il avait préféré mettre dans l’embarras l’agent Höderlin. Adam sait très bien que ce n’est pas bien du tout, mais en voyant la tête qu’avait fait cet homme, lorsqu’il a regardé le marchand… Eh bien l’enfant avait baissé la tête. Non pas pour appuyer sa comédie et faire le honteux, mais pour cacher son rire. Comme c’était drôle de faire tourner en bourrique les adultes !
Quoiqu’il en soit, l’ennemi numéro un s’excusa presque et repartit. L’enfant tendit ses fraises durement gagnées à l’agent, avec un grand sourire innocent. Cependant il ne s’attendait pas à ce que le policier réagisse aussi bien. Le petit voleur était si surpris qu’il garda sa bouche ouverte un court instant. Bon sang, un policier qui ne lui courait pas après ! Il piqua lui aussi dans les fraises en frissonnant de plaisir tellement elles étaient bonnes. Toutes chaudes, juteuses et bien sucrées. Un vrai délice ! Et le fait que l’agent en prenne aussi ne dérangeait nullement l’enfant. Au contraire, ce dernier était généreux ! Il partait toujours du principe que lorsqu’il n’y en avait plus, il n’y en avait encore. Ce qui voulait dire que s’il n’y en avait plus et qu’il n’en avait pas assez eu, il en revolerait et puis c’est tout. Il garda donc le bras tendu pour que les fraises soient toujours à portée de l’agent, si ce dernier en voulait. Tandis qu’il en reprenait une, il fit une remarque qui n’étonna pas vraiment l’enfant. Ca y’est, les remontrances commençaient ! Il allait lui faire la morale, Adam allait faire semblant de l’écouter et blablabla blabla blabla… Jusqu’à ce que le petit se fasse enguirlander parce que son interlocuteur se rendait compte qu’il n’était pas écouté. Enfin nous n’en étions pas encore là, et le gamin avait toute son attention sur l’agent. On ne sait jamais, avec un policier il faut s’attendre à tout. C’était eux les méchants de la partie ! Même en pensant cela, le petit avait déjà relâché un peu son attention, plus en confiance que lorsqu’il a appris qu’Höderlin était un agent.

- « J’ai pas d’parents. » pouffa le petit en mordant dans une fraise.

Doué comme il était, le jus gicla et il s’arrosa le nez avec. De plus, du liquide rouge (de la fraise, je vous rassure) coula sur son menton. Il avait battu son record, d’habitude c’était avec le premier fruit qu’il s’en mettait partout. Ni une ni deux, Adam essuya le tout avec la manche de sa veste qu’il avait remis. Il avait chaud avec, mais au moins il pouvait mettre le reste de fruits dans ses poches et pouvoir manger avec son autre main. Il se reconcentra sur la question, en pensant à ses parents. Ils ne pouvaient plus vraiment lui crier dessus maintenant, dans la situation dans laquelle ils étaient. Entre le père qui était loin de tout le monde et qui ne prenait plus de nouvelle de personne, et la mère qui était en prison depuis trois ans. Le gamin leva ses yeux pétillants vers l’agent avant de lui demander.

- « Eau-der-truc, c’est ton prénom ? C’est bizarre. »

Le ‘Eau-der-truc’ faisait référence à Höderlin, lorsque l’agent s’était présenté au marchand. L’enfant avait essayé de retenir, mais c’était bien trop compliqué pour lui. Il espérait quand même trouver un autre nom pour ce policier, s’il venait à le recroiser, parce que celui là était long et compliqué, il n’avait jamais entendu cela ! Adam s’aperçut qu’à force de manger des fraises, il n’y en avait déjà plus. Il ferma donc la boîte vide et la posa à coté de lui, sur un poteau où étaient accrochés des filets de pêche. Il n’allait pas le laisser là, il mettrait ça dans la poubelle. Adam vivait assez à la rue pour savoir qu’il était vraiment dégoûtant d’y laisser des déchets ! Il en avait marre de voir des canettes traîner sur les trottoirs. Chatam n’était pas une déchetterie, crotte alors ! Il sortit la seconde boîte pleine, puis la remplaça par la vide. Ouvrant la pleine en forçant un peu sur le plastique, l’enfant la tendit ensuite à l’agent, de manière toujours aussi spontanée.

[Pardon si je fais des fautes, je n'ai plus microsoft office sur mon pc.]

Eau-de-Rlin. Ce nom, même si l'enfant le répétait dans sa tête, il savait qu'il ne le retiendrait pas. "Eau de machin" était beaucoup plus sympa à mémoriser. Mais Thomas était encore mieux, le petit était rassuré que cet homme possédait un prénom facile à prononcer. Bah, de toute manière, quelque soit le nom des gens, le garçon leur donnait à tous des surnoms. Soit parce qu'il n'arrivait pas à en prononcer certains, soit parce qu'il avait peur d'oublier. C'était aussi une familiarité qu'il employait avec tous. Avec le tutoiement bien sûr, car les rares personnes vouvoyées par le gamin sont les grandes dames élégantes qui l'impressionnent. Les autres pouvaient toujours courir pour être vouvoyés. Adam dévorait ses fraises une à une, ne faisant même pas attention s'il en restait beaucoup ou non. Il se fichait totalement que le policier en prenne, puisque comme il se l'était dit plus tôt, s'il avait faim, il irait en voler à nouveau. Enfin pas devant Thomas, cette fois. L'enfant ne pouvait pas s'empêcher de relacher son attention, pourtant il savait que c'était un méchant ! Cet homme était un agent, il lui voulait du mal, c'était sûr ! Enfin non, sinon il aurait déjà essayé de l'attraper. Néanmoins, le petit sauvage gardait de la méfiance, épiant les moindres gestes de cet homme, du coin de l'oeil. Thomas lui demanda comment il s'appelait. D'habitude, les policiers ne lui demandent pas son nom. D'abord ils lui courent après, et après... Eh bien après il ne les revoit plus puisqu'il les sème

- "J'm'appelle Adam !" S'exclama le garçon avec spontanéïté, le sourire aux lèvres.

À vrai dire, il était ravi qu'on lui accorde un peu d'attention. Cependant, c'est après qu'il remarqua qu'il venait de donner son prénom, alors que d'ordinaire il disait aux méchants qu'il s'appelait Ryan pour ne pas qu'on le retrouve. Ryan, ou bien Aladdin pour les plus crédules. Disons qu'il avait déjà essayé avec Simba, mais là on ne le croit plus du tout. L'enfant voulut faire comme les grandes personnes. Il se disait qu'il pourrait impressionner cet homme en face de lui, s'il lui prouvait à quel point il était très très grand, et très très courageux, et très très intelligent !
Alors il lui tendit la main. Cependant, il remarqua que ses doigts étaient rouges à cause des fraises. Adam essuya donc sa main sur son manteau. De toute manière il se fera voler la veste durant la nuit alors à quoi bon y faire attention ? Et puis il n'avait aucun autre endroit où s'essuyer. Une fois sa main presque propre, le petit attrapa celle du policier sans même lui demander son avis, pour une poignée de main très virile, et le regard qui en disait long sur sa manière de penser être un homme. Mais petit malin comme il était, il lâcha très vite la main du policier en se demandant si ce dernier n'allait pas en profiter pour le tenir et mettre le grapin dessus. C'est pas parce qu'on avait l'honneur de connaître l'identité du vagabond, que l'on pouvait aussi le coincer ! L'enfant voulu piocher à nouveau dans les fraises, mais il ne sentait plus rien. Baissant la tête sur la boîte, il fit une moue déçue en remarquant qu'il n'en restait aucune. Mais l'enthousiasme revint aussitôt hanter son visage lorsqu'il releva les yeux vers Thomas.

- "Dis Tomtom, j'peux aller chercher une autre boîte de fraises ?"

Il aurait plutôt du remplacer le mot chercher par voler, mais le policier devait certainement l'avoir compris. Oh et puis cet homme avait l'air cool. Et dans la tête de l'enfant, ce dernier pensait qu'avec un peu de chance, Thomas l'attendrait là. Comme ça il pouvait réfléchir à une super stratégie de dingue, et si jamais dans le pire des cas, il n'en trouvait pas, eh bien il ne revenait pas. S'il trouvait une stratégie, il reviendrait aux cotés du policier afin de rester en même temps avec ce dernier, et d'être sûr de ne jamais baisser sa garde, comme il avait failli si bien le faire. Mais d'un autre coté... le petit sentait qu'il voulait revenir auprès de Thomas. C'est vrai que ce dernier avait l'air cool, et puis il s'était intérressé à l'enfant ! Où du moins il avait fait mine de s'y intéresser, et cela avait suffit à faire plaisir au petit Adam.
De toute manière, pour l'enfant, il avait dans l'idée de voler à nouveau des fraises et que l'agent ne l'arrêterait pas puisqu'il ne l'a pas gronder la première fois. Donc le gamin ne s'imaginait pas un instant que le policier refuse, ça lui paraissait trop absurde, ou bien les adultes étaient vraiment bêtes !

Payer les fraises ? Le garçon ne put s'empêcher de pouffer à cette remarque. L'adulte avait probablement fait exprès de demander ça. Comme si l'enfant des rues, sans argent, allait payer quelque chose. Franchement, il pourrait bien cambrioler une banque qu'il jèterait aussitôt les sous dans les égouts ! (J'exagère peut-être, Adam ne sait pas cambrioler une banque.) Lorsqu'Aladdin, le jeune homme au coeur pur s'emparait de quelque chose, ce n'était pas de l'argent ! Bon, peut-être lorsqu'il était devenu prince, et dans le second disney il avait volé à une bande de malfrats de l'or et des diamands. Mais il l'avait aussi redistribué au peuple ! Si Aladdin était resté à la rue, il aurait continué de voler pour manger, et c'est tout. Alors à quoi lui aurait servi l'argent ? Ce disney était l'idôle du petit. Il essayait de se comporter comme Aladdin, mais avec l'âge et les caprices en plus. Et puis le garçon avait la chance de ne pas être poursuivi par un grand garde musclé armé d'un sabre tranchant. Même si le petit avait parfois peur qu'on lui coupe la main... Chose qu'il redoutait par dessus tout ! Mais dans ce monde, on ne coupe pas les mains. On enferme les gens dans une cage très petite, et s'il y a de la bagarre elle ne dure pas longtemps parce qu'il suffit d'une balle dans le ventre pour s'écrouler.

Le petit ne répondit pas, se disant que cela ne se faisait peut-être pas d'affirmer directement qu'il allait voler devant un policier. Eh oui, il avait quelques petites lueurs envoyées par la raison, de temps en temps ! Plus rare, il obéïssait à certaines de ces lueurs, parfois les plus anodines. Le petit vit l'homme mettre la main dans sa poche. Toute sorte de films s'insurgèrent dans son esprit. Il voyait déjà Thomas sortit une arme à feu, le braquer sur lui en lui ordonnant de lever les mains. Ou bien une matraque et le tabasser avec avant de l'emmener en prison. Ou bien une puce électronique qu'il allait mettre sur la veste du petit pour le suivre à la trace. Ou encore un grand cigare que l'homme allait fumer devant l'enfant. Quoiqu'il en soit, et pris de court par son imagination, Adam était prêt à détaler s'il voyait le moindre objet suspect sortir de cette poche ! Mais ni arme, ni cigare en sortit. Un billet ? Pourquoi ? L'adulte voulait aussi des fraises ? Adam regarda la main qui lui tendait l'argent, tandis que le policier affirma que c'était toujours mieux que de voler, et que le garçon pourra ensuite lui rendre la monnaie. Enfin il cru comprendre que c'était la monnait, par déduction, parce qu'il n'avait aucune idée de ce que voulait dire le 'change'.

Adam laissa échapper un petit rire, montrant sa dentition. Il leva un bras et, de ses doigts, ramena la main du policier vers ce dernier en y laissant les sous. L'enfant se demandait un instant si l'homme était sérieux, et il leva les yeux pour le regarder malgré le soleil qui éclairait son visage.

- "M'enfin, t'es bête, je vais pas te piquer tes sous." Lâcha le petit en roulant des yeux comme si c'était la chose la plus évidente du monde. Mais cette chose évidente, il allait falloir l'expliquer apparemment. "Si tu m'donne tes sous, ben t'en auras moins. Alors que si tu m'donne pas, t'auras la même chose et encore tes sous. C'est plusse mieux, tu comprends ?"
Eh oui, parce que l'enfant n'avait aucune notion du bien et du mal. Il n'avait pas conscience de la gravité du vol, de ce que cela représentait et de ce que cela pouvait causer. Lui, il volait pour manger, pour jouer. Comme un lion tue pour se nourrir, lui, il vole. Et il n'y avait aucun mal à cela. De plus, l'enfant ne s'amusait pas à prendre des biens aux personnes qui sont à la rue, comme lui, aux autres enfants, et à ceux qui lui semblent pauvres. Avec un gros coeur pour ce genre de chose, Adam préfère les aider à voler, plutôt que de les voler. Sinon avec les dix dollars, Thomas pouvait toujours se payer un tour de manège dans une attraction. Et ça, ça ne se vole pas !

Lorsque l'enfant avait fini de parler, un bon grognement sourd retentit dans son estomac. Il baissa les yeux sur son ventre avant de lever un doigt et de lâcher "Tais-toi !" à ce gargouillis. Ben oui, pour un enfant qui n'avait pas mangé beaucoup le matin, et qui n'avait pris que quelques fraises le midi, il avait très faim. Il releva ensuite les yeux vers le policier, comme si rien ne s'était passé, puis l'observa d'un regard pétillant.

- "Donc j'peux y aller ? J'reviens juste après, promis ! Et il me verra pas, promis aussi !"

Et le petit se retourna, déjà prêt à partir.

Thomas devait admettre qu'il y avait quelque chose d'amusant dans le fait que l'enfant ne veulet pas lui 'voler' des sous, mais qu'ilétait prêt de voler une seconde fois le marchand de fraise. Et la logique derrière l'affirmation semblait plutôt... infaillble à l'enfant. Manifestement, il ne connaissait pas la valeur de l'argent pour s'inquiéter pour dix malheureux dollars. La policier n'était pas riche, loins de là, mais il pouvait se permettre d'acheter des fraises.

"Tu sais Adam, le monsieur vend des fruits et des légumes pour gagner sa vie. Il se servira de l'argent pour acheter à son tour. Si tu le voles encore, on en aura plus, mais il en aura moins. Tout ce qu'on fait à des conséquences sur quelqu'un."

"Tais toi"

Un instant, Thomas pensa que l'enfant lui parlait. ll allait répliquer lorsqu'il se rendit copte que l'enfant parlait plutôt à son estomac. Il fallait croire que les deux casseaux de fraises n'avaient pas réussit à le rassassier. Adam lâcha on ventre pour le regarder vec un regar pétillant remplis d'innocence.

"Donc j'peux y aller ? J'reviens juste après, promis ! Et il me verra pas, promis aussi !"

Alors qu'il s'apprétait à partir, Thomas essaya de l'arrêter.

" Ce n'est pas une question qu'il te voit ou pas. Quand on veux des fraises, on les paye. C'est la loi!"

Thomas n'avait pas l'intention de se prendre pour son père, mais il ne pouvait pas laisser le gamin voler sous ses yeux une seconde fois. Conger ou pas, il était tout de même dans la police. Voler c'était voler, et Thomas n'avait pas l'intention d'être un complice. Ce ne serait pas tès sérieux. Il tendit le billet de nouveau, espérantque cette fois-ci, il le prenne.

"J'insiste. J'en ai plein d'autres des comme ça dans mon porte-feuille. "

C'est étrange, car l'adulte semblait persuadé de ce qu'il disait. Mais l'enfant avait une logique implacable encore mieux ! Du moins, c'est ce qu'il pensait. Essayant de comprendre ce que disait Thomas, Adam finit par hausser les épaules en trouvant cette réponse pas à son goût. Si le marchand gardait toutes ces fraises, il allait en faire une indigestion ! Alors lui en voler quelques unes, c'est lui sauver la mise, non ?

« Il en aura moins, mais avec tout ce qu'il a il peut se nourrir longtemps ! Et pis toutes les semaines il en a de nouvelles, j'le sais bien. » Répondit avec fierté le gamin, pensant avoir raison sur toute la ligne.

Il faillit rajouter une phrase du style 'Toute façon c'est moi qui ait raison' mais se souvint que la dernière fois qu'il avait dit ça à un homme, il s'était pris une claque. Il n'y a rien de pire qu'une claque pour un enfant ! Si ce ne sont les punitions et les fessées. Ces dernières étaient les sanctions suprêmes trop cruelles pour être vraies. Aucun petit être innocent ne les méritait, et surtouuut pas Adam. L'enfant observa le policier, se demandant pourquoi ce dernier insistait pour lui donner de l'argent. Ah oui, qu'il était bête, c'est une ruse pour que l'enfant ne vole pas ! C'était malin, et le petit avait failli se laisser prendre au jeu. Mais ce n'était pas demain la veille qu'on allait voir le gamin des rues donner un morceau de papier en échange d'un objet qu'il convoite. C'est pire que le vol pour lui. Alors qu'il insistait bêtement en se retournant, prêt à aller chaparder un autre cageot de fraise, l'agent l'arrêta et haussa le ton. Adam lui lança un regard penaud, se demandant pourquoi il se faisait gronder. Quelle bêtise avait-il fait ? Il garda le silence un court instant, avant de lâcher d'une voix timide lorsque Thomas lui retendit le billet et affirma qu'il préférait que le môme achète ces fraises.

« Mais... J'vais pas lui donner un bout d'papier ça se mange même pas. Je sais même pas comment qu'on fait et pis... Si il me voit, il va pas être gentil avec moi. »

Adam croisa les bras et continua de regarder Thomas. Position d'un sale gosse qui voulait dire 'Nan, je prendrais pas tes billets.' En plus, il n'avait aucune idée de la manière dont il fallait procéder lorsqu'on achetait quelque chose. Un billet et on avait tout ce qu'on voulait ? Le gamin savait bien que c'était de l'argent, que c'était avec ça qu'on payait, que c'était important ici. Mais il n'arrivait pas à comprendre en quoi c'était important. Et ça rendait les hommes égoïstes et méchants, ça il le savait. Mais il repensa à ce qu'avait dit Thomas. La loi... Combien de fois il avait entendu ce mot sans savoir exactement ce que ça voulait dire. Il savait que la loi, c'était l'ensemble de toutes les règles qui empêchent les gens d'être libres comme lui. La loi était censée l'empêcher de voler, pourtant il le faisait quand même. Comme Aladdin. À Agrabah, on avait pas le droit de voler, mais si Aladdin ne volait pas, il allait mourir de faim.

« J'm'en fous de la loi. » Lâcha l'enfant en baissant les yeux au sol comme s'il était honteux de ce qu'il allait ajouter. « Elle a pas retenu mon papa, et elle m'a pris ma maman. Alors la loi, c'est nul. »

Puis il baissa aussitôt le ton pour finir par un 'Toi aussi t'es nul' presque inaudible. Il gardait la tête baissée sur le sol, parce qu'il savait que des larmes tentaient d'investir ses yeux. Il les empêchait du mieux qu'il le pouvait pourtant. Mais le fait de s'être fait grondé par un homme et de se remémorer les souvenirs récents de sa famille le firent renifler un bon coup. Un grondement au niveau de son ventre retentit. Ah ça devenait presque urgent là, il avait faim ce petit ! Il essuya ses yeux brillant d'un revers de manche puis leva la tête vers Thomas.

« D'accord, mais c'est toi qui y va. » Abdiqua Adam en montrant un visage boudeur.

Il s'apprêta alors à suivre Thomas, ne voulant certainement pas le laisser y aller seul et se disant que pendant que le policier achète une boîte, il en volera une autre à coté sans qu'il ne le remarque... On ne refait pas un sale gosse, surtout un sale gosse qui n'aime pas qu'on le voit pleurer !