Capitaine
Il quitta le quai. A son passage au niveau du phare délimitant le port, les différents yachts, voiliers, bateaux de pêche amarrés, klaxonnèrent et créèrent ainsi un bruit résonnant. Le soleil chauffait sur la croisette en ce mois de mai. Le vent, au goût salé, s’abattait sur les visages des passagers. Les mouettes et goélands survolaient la Méditerranée, quelques poissons étaient visibles à travers l’eau bleue marine. Les deux bateaux se suivaient sur la mer agitée, à chaque rencontre entre la coque et les vagues, une secousse avait lieu, s’ajoutant ainsi à l’onde de chagrin qu’ils ressentaient. Les yeux piquaient, le ventre était noué, le cœur crispé. Puis, lorsque les moteurs s’arrêtèrent, ce flot d’émotions se liquéfia en un torrent de larmes. Ils se faisaient front, le côté droit de son bateau face au flanc gauche du vingt-huit mètres, éloignés d’environ dix pieds l’un de l’autre.
Une musique bretonne envahit l’air marin, les navires tanguaient de temps à autres avec le clapotis qui semblait battre le rythme au son de la cornemuse. Toute l’assemblée dissimulée derrières les lunettes de soleil se rapprochait le plus possible et s’accrochait aux barrières. Ses amis l’entouraient et respectaient cet instant de recueillement, en souvenir des verres consommés après les sorties maritimes.
Sa femme ainsi que sa famille s’avancèrent sur le pont. Pour une ultime fois il était dans ses bras et parmi eux. Elle s’abaissa et le déposa délicatement sur les flots qui l’emportèrent dans les abîmes sous-marins.
Jadis acteur d’un bonheur causé et partagé, maintenant, plus que cendres de souvenirs.
Adieu, capitaine.